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Rémunération des ménages québécois
Rémunération des ménages québécois

La Presse

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Rémunération des ménages québécois

« La rémunération salariale des ménages québécois a atteint 99,1 % de celle des autres Canadiens en 2024, alors que cette proportion a très longtemps oscillé entre 85 % et 90 % jusqu'en 2015, avant de remonter nettement depuis », écrit Francis Vailles. Pendant des années, les Québécois s'estimaient « nés pour un petit pain », ce qui les condamnait à rester moins riches que les Canadiens anglais et à s'en satisfaire. L'émancipation les a amenés à se débarrasser de cette attitude défaitiste, avec l'espoir de combler un jour le retard de richesse. Or voilà qu'après ce long parcours, on peut maintenant dire que les ménages québécois gagnent autant que les autres Canadiens, du jamais vu depuis des décennies. Pour être plus précis, la rémunération salariale des ménages québécois a atteint 99,1 % de celle des autres Canadiens en 2024, alors que cette proportion a très longtemps oscillé entre 85 % et 90 % jusqu'en 2015, avant de remonter nettement depuis. Nul doute que le premier ministre du Québec, François Legault, s'en réjouira, bien que les raisons soient multiples et que la genèse du phénomène remonte à de nombreuses années. Pour arriver à une telle conclusion, j'ai passé au peigne fin les données de Statistique Canada sur les revenus des ménages qui servent au calcul du Produit intérieur brut (PIB). En 2024, donc, les salariés des ménages du Québec ont touché l'équivalent de 37 300 $ par habitant, en moyenne, ce qui représente 99,1 % des 37 650 $ du reste du Canada. Attention, ce n'est pas la rémunération par salarié, mais par habitant : un ménage de 4 personnes (2 enfants) pourrait donc gagner 4 fois cette rémunération par habitant, en moyenne. Il faut voir le chiffre par habitant comme un indicateur aux fins de la comparaison. Le rapport de 99,1 % de l'année 2024 est un sommet depuis 1981, l'année la plus lointaine pour laquelle Statistique Canada publie des données. Le rattrapage du Québec est éloquent face à l'ensemble des autres Canadiens, comme aux Ontariens plus spécifiquement. La remontée avec l'Ontario a débuté en 1989, et selon les données les plus récentes pour cette province, soit 2023, le rapport de rémunération Québec/Ontario atteint maintenant 96,4 %, alors qu'il était de 77,1 % en 1989. Laissons parler les graphiques. L'information surprend. J'ai donc refait l'exercice avec deux autres bases de données de Statistique Canada sur les revenus des ménages, qui confirment le net rattrapage depuis 10 ans1. Diverses raisons peuvent expliquer l'impressionnant phénomène. L'économie du Québec s'est redressée après le retour à l'équilibre budgétaire de 2015. La vigueur du marché du travail, jumelée au taux d'activité record des femmes grâce au programme de garderie, y est pour beaucoup. Cette vigueur, en combinaison avec le vieillissement de la population, a créé une pénurie de main-d'œuvre, avec des pressions sur les salaires. Il faut aussi admettre que certaines autres provinces ont reculé pendant la même période, notamment l'Ontario après la crise financière de 2007, et l'Alberta, après la crise pétrolière de 2014. Charles St-Arnaud, économiste en chef d'Alberta Central, a bien expliqué la sous-performance albertaine depuis une décennie – et pas seulement à cause du pétrole –, source du mécontentement alimentant le mouvement séparatiste là-bas. Le pouvoir d'achat y a reculé de 13 % depuis 10 ans2. Enfin, l'Ontario accueille un nombre très important d'immigrants, notamment ceux issus de réunifications familiales (conjoints, enfants et grands-parents), bien davantage qu'au Québec, ce qui peut exercer une pression à la baisse sur la rémunération moyenne. Quoi qu'il en soit, les Québécois n'ont plus à rougir de la comparaison pancanadienne à cet égard. Cela dit, malgré la remontée, les Québécois conservent encore moins d'argent dans leurs poches qu'ailleurs au Canada pour payer leurs dépenses courantes (hypothèques, épicerie, etc.). La base de données que j'ai utilisée sert ultimement au calcul du revenu disponible des ménages, qui correspond à l'ensemble des revenus après impôts et transferts. Or, ce revenu disponible par habitant des Québécois représente 91 % de celui des autres Canadiens en 2024, selon les données, après un creux historique de 83 % en 2015. La progression des ménages québécois est nette depuis 2015, comme la rémunération salariale, mais sans rejoindre le niveau des autres Canadiens. Le revenu disponible, faut-il savoir, englobe non seulement la rémunération des salariés, mais aussi l'ensemble des transferts reçus des gouvernements et des entreprises. Parmi ces transferts, mentionnons l'assurance-emploi et l'aide sociale, mais surtout les prestations de retraite du privé et du public (RRQ, pension fédérale, etc.), très importantes. À cette somme sont soustraits les transferts versés aux gouvernements, notamment l'impôt sur le revenu et les taxes foncières, ce qui donne le revenu disponible. Qu'est-ce qui explique cette différence ? Comme on peut s'y attendre, les Québécois reçoivent davantage de transferts des gouvernements qu'ailleurs, mais ils paient aussi plus d'impôts. Notez que le revenu disponible est calculé avant le paiement des dépenses, et donc avant le prélèvement des taxes de vente. Ces taxes de vente sont plus élevées au Québec (15 %) qu'en Ontario (13 %), en Colombie-Britannique (12 %) ou en Alberta (5 %). Malgré tout, le pouvoir d'achat s'est accru nettement plus au Québec qu'ailleurs au Canada depuis 10-15 ans. Plus précisément, le revenu disponible par habitant au Québec a crû de 3,8 % par année entre 2015 et 2024, en moyenne, alors que l'inflation annuelle a été de 2,6 %. Ailleurs, la croissance annuelle a été de 2,8 %, soit un niveau comparable à l'inflation (2,7 %). Bref, les Québécois se sont enrichis, tandis que la moyenne des autres Canadiens a stagné3. Enfin, ce portrait explique pourquoi le taux d'épargne des Québécois augmente davantage qu'ailleurs au Canada. L'épargne est mesurée après avoir soustrait du revenu disponible les dépenses de consommation des ménages. Le taux d'épargne représente 9,2 % du revenu disponible au Québec au premier trimestre de 2025, contre 4,8 % ailleurs au Canada. Cet écart est l'un des plus importants depuis quatre décennies. Le graphique illustre le phénomène, comme l'anormalité des données de la période pandémique, qui a vu les Canadiens obtenir l'aide financière des gouvernements. Voilà le portrait de la situation. Cela dit, bien que les Québécois aient rejoint les autres Canadiens en matière de rémunération salariale, leur patrimoine demeure plus faible, notamment le patrimoine immobilier. Quoi de mieux que l'épargne pour combler cette différence, n'est-ce pas ? Autre élément : la situation des Québécois, comme celle des Canadiens, se compare mal à bien des pays développés. C'est le prochain rattrapage à faire. 1. Pour la première des deux sources de comparaison, le Québec a égalé la moyenne canadienne en 2022 et pour la seconde, le Québec est encore 10 % sous la moyenne canadienne en 2023. La différence s'explique notamment par le type d'enquêtes et ce qu'elles cherchent à mesurer. La première tire ses renseignements des déclarations de revenus à l'Agence du revenu du Canada et compare le revenu des familles constituées du même nombre de personnes (par exemple un couple avec deux enfants). La seconde est l'Enquête canadienne sur les revenus (ECR), qui est liée à l'enquête sur la population active (EPA), celle qui mesure notamment le taux de chômage au moyen d'un questionnaire auprès de 60 000 ménages. Notez que dans ces deux cas, il s'agit de revenus médians, qui illustrent mieux le ménage type que la moyenne. 2. Alberta Central est l'association des coopératives de crédit de l'Alberta. Pour lire l'analyse de Charles St-Arnaud, voir ici : Lisez l'analyse de Charles St-Arnaud (en anglais) 3. J'ai aussi fait la comparaison avec l'année 2010 plutôt qu'avec le creux de 2015. Le gain de pouvoir d'achat des Québécois est moins grand, mais demeure nettement plus important que celui des autres Canadiens.

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